Pete Sampras : star du tennis

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Peu de grands champions auront conquis des victoires dans des conditions aussi extrêmes que celles que le grand Pete aura vécues à plusieurs moments clés de sa carrière : ses sanglots face à Courier lors de l’Open d’Australie 1995, ses vomissements durant la fin de son duel épique de l’US Open 1996 face à Corretja ont contribué à faire entrer dans la légende certains de ses combats les plus mythiques.

Mais, au-delà de cette sensibilité et de cette fragilité – due en grande partie à cette fameuse thalassémie dont il souffrait – Pete incarnait également la force d’un tennis dévastateur qui, dans ses jours de grâce, le rendait littéralement « injouable » sur surface rapide.

Son service reste le coup le plus sidérant qu’il m’ait été donné d’admirer : fluidité et simplicité absolue de la gestuelle, puissance, efficacité implacable, précision, variété d’angles, d’effets, illisibilité pour le relanceur, prise de risque souvent hallucinante en seconde balle, capacité unique à se transcender sur ce coup lorsqu’il avait des balles de break à écarter : voir par exemple la finale de Wimbledon 1999 – le jour où Sampras a « marché sur l’eau » selon l’expression d’Agassi, passée à la postérité… – ou encore la demi-finale de l’Open d’Australie 2000 où il atteignit un niveau de performance impressionnant sur sa mise en jeu durant les quatre premiers sets.

Sampras incarne peut-être plus que quiconque cette espèce d’ambivalence du champion et de l’homme entre invulnérabilité et fragilité, entre démonstrations de force et défaillances physiques.

Pete Sampras fait partie des rares joueurs qui m’ont donné cette impression d’assister à quelque chose d”hors du temps”, de différent, de “plus loin qu’on ne pouvait l’imaginer” pour un match de tennis. (Les autres étant John McEnroe à RG 84,  et Goran Ivanisevic à Wimbledon. Point barre. J’ai presque ressenti ça avec Hénin, je sais pas pourquoi. Une grosse charge émotive sûrement).

En allant si loin, au bout de lui-même, il nous a fait entrer dans cette dimension où la destinée d’un homme semble devenir devant nous une chose réelle, presque tangible, matérielle.

Ces instants d’émotion extrême que seul le sport permet, mais où le sport cesse d’être un jeu pour devenir une tragédie : une lutte contre une mort quasi certaine. Ces moments de pure métaphysique (méta : après, après le monde physique) où même cette ambition profonde et mystérieuse de s’appartenir toujours à soi-même, cette crainte du « tout » qui signifie la perte du « soi », vole en éclats. Ces instants de grâce où le spectateur semble plus léger, car plus près du sens de la vie, peut-être du Ciel. Cela justifie tous les Vilas/Wilander, tous les Clément/Hewitt du monde.

L’autre anecdote très révélatrice selon moi, est l’interview de Sampras lui-même à la fin de la saison 1998, où un journaliste lui pose directement la question : « Pensez-vous que pareil exploit (record de six années consécutives en n°1) pourra un jour être réédité ? » Et à cette question, le Grand Pete, Pete le humble, Pete le discret, qui aujourd’hui fait l’éloge de Federer et prédit qu’il battra tous ses records, à cette question à laquelle la réponse toute faite « les records sont faits pour être battus, on verra ce que l’avenir nous réserve » est employée chaque semaine par les sportifs de toutes les disciplines, à cette question le Grand Pete a répondu : « Non, je ne pense pas ». Il a argumenté en expliquant que le tennis était de plus en plus physique et que l’écart entre les 30 premiers ne faisait que de diminuer etc. Même si ces arguments sont valables, moi je pense qu’à ce moment précis, juste après le masters, Pete était tellement au bout du rouleau mentalement et physiquement, qu’en toute bonne fois, il a ressenti que ce qu’il venait d’accomplir était inhumain et a parlé franchement, sans péché d’orgueil.

Ce jour là je n’avais pû m’empêcher de le trouver inhabituellement arrogant, et avec l’éclosion de Federer, me disais souvent qu’il avait vraiment eu une parole malencontreuse…sans faire de pronostics sur la fin de saison, les 6 années finies en n°1 seront finalement peut être le seul record que Federer ne lui prendra pas…