natation : la carrière de Popov – suite

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Son prochain objectif sera le « triple-double » (50/100m sur 3 olympiades) aux JO de Sydney, son pays d’adoption, lui qui s’entraîne à Canberra. Lors des sélections russes quelques mois avcant les JO il battra le vieux record du monde du 50m de Tom Jager. Lors de la finale de ces sélections, un faux départ l’empêche de battre ce record (car lors du second départ toute anticipation est punie d’une disqualification), lui faisant perdre un à deux précieux dixièmes. Mais il demande à recourir cette course seul contre le chrono pour ne pas avoir les vagues de ses concurrents (cette manœuvre est parfaitement autorisée par la fédération internationale, bien que peu exploitée). Pari gagné en 21″64.

Mais au début des épreuves de natation ce n’est pas lui qui retient l’attention. Michael Klim, son camarade d’entraînement, bat le record du 100m de 3 centièmes en série. La joie est de courte durée pour l’Australien car le lendemain, Pieter van den Hoogenband explose ce record de 4 dixièmes et l’abaisse à 47″84. On retrouve donc VDH en finale, accompagné de Popov, Klim et l’inévitable Gary Hall Jr.

Au départ les techniques sont contrastées: Klim en bon papillonneur fait une longue coulée avec neuf ondulations, Popov en fait trois et VDH, fidèle à son habitude, n’en fait qu’une et ressort très tôt de l’eau. Klim et Hall partent très vite, sous les bases du récent record du monde. Popov n’est que 5ème au virage. Hall, alors en tête depuis le début, commence à ralentir aux 75m, VDH est revenu. Popov semble un peu derrière mais il allonge sa nage sur les derniers mètres et passe Hall d’un souffle (4 centièmes!). En revanche VDH était plus fort et termine devant, Popov rate son pari en ne terminant que 2ème. Il ne termine que 6ème du 50m, Hall prend sa revanche et remporte ce 50m ex-aequo avec Earvin. Gary Hall devra attendre 2004 pour être enfin seul sur une première marche aux JO, ce sera sur 50m.

Ses derniers titres sont acquis aux championnats du monde de Barcelone en 2003. Il remporte de nouveau le 50m et le 100m. La boucle est bouclée, 11 ans après ses premiers Jeux, le grand Alexandre redevient double champion du monde dans la ville de ses premières médailles olympiques en s’imposant de manière magistrale au 100m qu’il a menée de bout en bout devant VDH et Thorpe. Même sentence au 50m où il mène du début à la fin. En 2003 il est à son meilleur niveau et semble dans les meilleures dispositions pour remporter des médailles à Athènes. Mais l’écart avec la concurrence s’est réduit et on est alors dans un épisode de densité exceptionnelle sur 100m.

Alors il s’aligne encore une fois aux JO, à 33 ans, pour gagner. Mais la suite sera décevante. Eliminé en demies-finales du 100 libre pour 3 centièmes, il ne passera même pas les séries du 50m. Même s’il ne le dit pas encore, on sent que c’est la dernière fois que l’on a vu le Russe nager, lui qui a toujours répété que s’il nageait, c’était pour gagner des titres. On ne le voit pas continuer jusqu’aux JO de Pékin. Le Tsar est déchu.

Sa carrière se termine officiellement à la fin de l’année 2004 lorsqu’il déclare qu’il ne nagera plus. Il a alors 33 ans, 4 titres olympiques et 5 médailles d’argent, 6 titres de champion du monde, 21 titres européens et encore (à ce moment là) le record du monde du 50m. Il aura, au total, détenu un record du monde entre 1994 et 2008 avec une courte période en 2000 où il avait les deux.

Mais revenons un peu sur ce qui a assuré une telle domination. Celle-ci tient à plusieurs éléments qui, une fois combinés, ont donné les résultats que l’on connaît.

L’entraînement

Popov est un bourreau d’entraînement, il reste jusqu’à 6h par jour dans l’eau, pouvant faire de 80 à 90km par semaine, ce qui est énorme pour l’époque et pour un sprinteur pur. Grâce à cela, il aura tout au long de sa carrière un finish solide, le sauvant de situations pouvant paraître désespérées, en gardant une technique de nage parfaite jusqu’à la fin, là où ses adversaires se désunissent un peu, perdant quelques précieux centièmes même s’il avait déclaré que les 15m derniers mètres étaient horribles qu’il préférerait « se trouver n’importe où ailleurs » lors de la fin d’une course tant la douleur est intense.

La technique

Popov a une nage parfaite. Il est, à l’instar d’un Federer au tennis ou d’un Bubka à la perche, un joyau pur. Il semble avoir été créé pour nager. Popov est l’exemple technique montré dans les écoles de natation. Il a toujours recherché un mouvement parfait, une nage économique, souple, exempte de tout mouvement parasite. Là ou certains ramènent le bras tendu à l’extérieur de l’eau (Klim, Nystrand) lui le ramène coude haut, l’avant bras relâché. Il s’est aussi démarqué par une recherche d’une fréquence basse en sprint, valorisant la glisse et l’efficacité du mouvement. En 2003dans la finale du 100m, il fait 28 mouvements à l’aller et 34 au retour contre 34 et 40 pour VDH. Popov est aussi doté d’un battement de jambes ultra-efficace, essentiel pour la vitesse et les fins de course quand les bras sont tétanisés. Le Russe perfectionnera jusqu’à son arrivée, en faisant sur une ondulation le dernier mouvement, gagnant alors quelques précieux centièmes. Il est aussi aidé par une taille de 1m97, néanmoins assez classique à ce niveau.

Les adversaires

Popov n’aura de cesse de battre les Américains sur 100m, d’abord Biondi puis Hall. Il avait dit ne vouloir prendre sa retraite que quand un européen serait capable de battre les Américains. Bien que les respectant beaucoup (en particulier VDH), Popov n’hésitera pas à entrer dans une guerre psychologique avec eux comme à Atlanta ou après où il avait déclaré que Hall faisait partie d’une famille de loosers (Hall Sr n’a jamais eu l’or olympique). Il est néanmoins quelque peu revenu sur ces propos plus tard, affirmant qu’il avait de l’admiration pour ses adversaires pour les souffrances qu’ils devaient s’infliger eux aussi pour atteindre ce niveau.

Les héritiers

Popov et Touretski ont tant fait progresser la technique et l’entraînement en général pendant ces 13 ans de haut niveau qu’une quantité très importante d’entraîneurs et de nageurs, de tous niveaux, s’en sont inspirés. Aujourd’hui, un de ceux dont la technique rappelle le plus celle de Popov de par son efficacité et son relâchement est le français Amaury Leveaux. Arrivé à la natation sur le tard, il semble avoir cette même capacité à glisser sur l’eau.